Exploiter l’opinion publique en ligne pour revitaliser la démocratie participative
Construire des ponts verts pour réussir une transition climatique démocratique
Développé par opsci en partenariat avec un consortium de 13 acteurs de la recherche et de l'innovation sociale européens en réponse à l'appel à projets Horizon 2023, le projet Green Bridges vise à créer et à mettre en œuvre de nouvelles modalités de délibération démocratique pour une transition climatique réussie. En reconnaissant le potentiel démocratique des espaces en ligne et en les intégrant dans le design des processus délibératifs, Green Bridges ambitionne d’élaborer une nouvelle approche « data-driven » de la démocratie participative face à l'impératif climatique, et de contribuer ainsi à la réalisation d'une transition écologique juste et durable pour tous.
Le contexte : crise démocratique, impératif climatique et "écologie de guerre"
L'évolution de la situation géopolitique avec la guerre en Ukraine a créé un nouveau contexte, décrit par certains chercheurs comme une "écologie de guerre" (Charbonnier, 2022), où la transition énergétique devient un enjeu crucial pour préserver le leadership occidental et construire un consensus public. En parallèle, les valeurs démocratiques européennes sont de plus en plus mises à l'épreuve, notamment en raison des phénomènes d’opinion allant de la perception du "déficit démocratique" jusqu’à la "fatigue démocratique". En conséquence, la participation politique européenne se voit freinée par un manque d'intérêt et un manque perçu de légitimité. Cependant, l'engagement croissant des jeunes pour les questions environnementales montre une volonté de renouveau démocratique, plus inclusif et soucieux des enjeux de justice climatique et sociale.
Green Bridges : combler le fossé entre la gouvernance majoritaire et les forces sociales émergentes grâce à la démocratie basée sur les données
Dans le même ordre d'idées, alors que l'engagement dans les institutions démocratiques traditionnelles s'affaiblit dans le monde, les médias sociaux sont devenus des lieux clés pour les interactions socioculturelles, l'expression personnelle et la mobilisation politique, en particulier pour les groupes non majoritaires et les voix historiquement sous-représentées.
Ce changement "spatial" est extrêmement significatif car il renforce l'émergence de la "démocratie des interstices" (Graeber, 2005) : d'une part, il crée de nouveaux espaces de liberté et de transformation sociétale (interstices de l'autonomisation) et, d'autre part, renforcé par l'approche algorithmique de recommendation des contenus, il contribue à l'accentuation de la polarisation politique (par exemple, le rôle de Twitter dans l'élection de Trump en 2016). Quant à l'impératif climatique, il est de facto devenu le champ de bataille politique à travers les espaces numériques européens : en France et en Allemagne, c'est l'un des sujets politiques les plus discutés sur Twitter, notamment parmi les jeunes citoyens (opsci, 2022).
Pour construire un consensus sur la transition verte qui serait perçu comme légitime et démocratiquement choisi, la question ultime est de savoir si les décideurs politiques peuvent développer rapidement une compréhension suffisamment précise des préoccupations et des imaginaires des citoyens pour construire le consensus sociétal en faveur de la politique climatique ambitieuse. Être en mesure de mettre en lumière les réactions et les récits sociopolitiques de la société civile hybride dans ce contexte transformé sera essentiel pour s'assurer que les institutions sont capables de répondre de manière adéquate aux attentes du public, mais aussi de manière efficace pour la préservation de la planète.
Compte tenu de ces défis, Green Bridges se propose de développer un cadre interdisciplinaire innovant pour réinjecter les voix et les narratifs non majoritaires de la démocratie « des interstices » florissant en ligne dans la gouvernance climatique. La nouveauté de cette approche repose sur l'utilisation des technologies d'intelligence artificielle pour l'analyse des données (BERT, 2019-2023), permettant d'étudier les grands ensembles de données d'opinions publiques en captant et analysant finement les narratifs et mobilisations diverses.
Vers une cartographie des zones conflictuelles et consensuelles pour une meilleure gouvernance climatique
En "minant" l'opinion publique sur les politiques climatiques (Green Deal/CETP), Green Bridges fournira une cartographie comparative de leurs zones conflictuelles et consensuelles. Les parties prenantes et les décideurs politiques disposeront ainsi d'un outil leur permettant d'agir rapidement sur les zones conflictuelles en mettant en place des consultations délibératives visant à prévenir l'enracinement des luttes et l'élargissement de la polarisation. L’intégration des préoccupations des citoyens dans le processus de consultation contribuerait à augmenter le taux de réussite du processus de délibération, tandis que l’implication des parties prenantes majoritaires et non majoritaires dans la co-conception de la délibération lui conférerait une legitimité nécessaire pour la future implémentation des résultats de la délibération. En outre, les zones consensuelles peuvent être exploitées pour promouvoir la cohésion sociale et la vision positive de la transition écologique, qui existe actuellement principalement sous la forme de mesures incitatives "top-down" perçues par de nombreux citoyens comme de la propagande. En conclusion, en exploitant l'opinion publique numérique et en intégrant les voix non majoritaires dans la gouvernance climatique, Green Bridges ambitionne à combler le fossé entre les décideurs politiques et la société civile pour rendre possible une transition climatique juste et durable pour tous.
Le consortium européen
Liquid Democracy (Allemagne), Université de Lucerne (Suisse), Université technique d'Istanbul (Turquie), Cluster17 (France), Centre des Sciences Sociales (Hongrie), Nexus Institut (Allemagne), Datactivist (France), Université d'Urbino (Italie), Université de Riga Stradins (Lettonie), Université de Sheffield (UK), Counterpoint (UK), Université de Palacký Olomouc (République tchèque).